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Brasilidade - notícias com um toque brasileiro
24 avril 2008

Colombie : futur illuminé ou cauchemardé du monde ?

La Colombie racontée par Luis De la Torre, colombien de naissance, français d’adoption, peut être l’incarnation du mot métissage et l’avenir illuminé du monde. Mais, elle peut être aussi le futur cauchemardé du monde. Dans cette interview, Luis nous livre un peu de sa personnalité et nous parle d’actualité : Ingrid, Uribe et les Farc… america_colombie Lieu de naissance : Santafé de Bogotá (Colombia) Profession : Fonctionnaire territorial (France) Etudes : Sociologie, Sciences Politiques Plat préféré : Sepiones à la plancha que j’accompagne de " patacones ", banane plantain verte frite Livre préféré : Les livres sont des compagnons de voyage temporaires. Le dernier qui m’a bouleversé est " El pintor de batallas " (Le peintre de batailles) de Arturo Perez Reverte, une nouvelle réflexion lucide et désenchantée sur l’homme en guerre, c’est à dire le récit des hommes confrontés à l’alternative de mourir ou d’éliminer leurs semblables. Film préféré : " Les 7 samouraïs " d’Akiro Kurosawa. L’histoire miraculeuse d’une entreprise humaine qui transcende les barrières sociales et qui rend compte de l’implacable solitude des purs. Je suis toujours ému aux larmes au moment de la mort de Kikuchiyo le faux samouraï – paysan, incarnation héroïque et pathétique du combat sans issu de tous les déclassés. Chanteur préféré : Joan Manuel Serrat, chanteur catalan des année 70s pour la partie de son œuvre qui met en musique les poètes espagnols de la guerre civile. Dieu : Ce prétentieux inutile a cessé d’exister à Bogotá au petit matin d’un jour sombre de 1969 lorsqu’il n’a pas entendu le désespoir d’un enfant confronté à la violence et à la mort. Ses vicaires sur terre poursuivent depuis des siècles leur sale besogne d’obscurantisme et de répression en véritables parasites sociaux. La Colombie vue de l’intérieur : La Colombie existe. Chacun peut la rencontrer. C’est l’incarnation vivante du mot " métissage " : géographies contrastées, impureté raciale, inachèvement politique, syncrétisme musical abouti, sourire permanent au coin des lèvres. La Colombie est l’avenir illuminé du monde. Colombie vue de l’extérieur : La Colombie n’existe pas. Tout au moins les images fugitives qui la représentent ne lui font pas justice. La guérilla et les narcotrafiquants ne sont pas les " Picaros " de Tintin. Ils sont plus cruels et mieux insérés dans l’économie monde. L’économie souterraine de la drogue ne représente pas plus de 5% du PIB de ce pays riche. Mais la société colombienne en est durablement gangrenée. La Colombie est le futur cauchemardé du monde. Ingrid, Uribe, les FARC … Ce sont les anges et démons familiers des colombiens. Ingrid était une jeune fille de bonne famille qui faisait de la politique comme on joue aux cartes dans les salons bourgeois : avec raffinement, un peu de canaillerie et en trichant. Elle n’a pas cherché le calvaire qu’elle subi depuis 7 ans. Elle a simplement " raté " un bluff. Elle est donc devenue, à son insu, une icône mondiale et elle finira par monter au ciel de son vivant comme Remedios La Bella dans " Cent ans de solitude ". Alvaro Uribe n’est pas seulement un populiste conservateur lié idéologiquement (si ce n’est patrimonialement) aux paramilitaires. C’est le représentant le plus abouti de l’esprit pionnier des " paisas ", les mythiques entrepreneurs du terroir d’Antioquia au centre du pays dont la capitale est Medellin. A dos de mulet, le crucifix sur le cœur et une machette à la main, ces rudes descendants de basques émigrés ont colonisé les vallées andines et ont inventé en Colombie à la fin du XIX° siècle l’hacienda caféière, le commerce fluvial et de détail et l’industrie textile. On leur doit également le système financier colombien, l’économie du narcotrafic et la contre-insurgence paramilitaire. Ce que les colombiens voient dans ce père fouettard au visage peu amène ce sont les vertus cardinales du conservatisme mythifié de ces pionniers : autoritarisme patriarcal, valorisation de l’effort et du travail, adhésion fervente à la religion. Uribe a déjà transformé la Colombie en changeant le cours d’une guerre low level de 40 ans qui semblait ne devoir jamais se terminer. Les FARC sont une erreur historique. La plus ancienne guérilla marxiste du monde n’a jamais eu de liens avec les pays du bloc communiste. La méfiance a surtout été de mise avec Cuba qui a encouragé et soutenu la guérilla concurrente du ELN (Armée de Libération Nationale). Aussi, les FARC ne se sont jamais débarrassé de leur condition originelle de groupe d’autodéfense paysanne issu de la guerre civile bi-partisane des années 40-50. Manuel Marulanda Velez dit " Tirofijo " son chef et fondateur historique, en est l’exemple caricatural et pathétique. Empêtrés dans les contradictions de leur statut d’armée paysanne dans un pays à dominante rurale, enclavés de surcroît dans les zones isolées de la forêt vierge et du piémont andin, les FARC n’ont pas su (ou pu ou voulu), résister à l’économie de la drogue dont ils sont maintenant un des piliers majeurs en matière de culture de la feuille de coca, d’acheminement logistique et protection des laboratoires de production, et de transport de la cocaïne vers les ports d’embarquement vers l’étranger. Leur criminalisation définitive, plus encore que leur défaite militaire désormais programmée, est un des plus graves dangers qui guettent la Colombie à moyen terme. La France pour moi … La France pour moi c’est la langue française, sa sonorité étriquée, son architecture grammaticale rigoureuse et ses déconstructions populaires contemporaines. J’aime aussi ses villes à taille humaine avec ses espaces publics soignés et ses vieilles pierres nostalgiques. Mais depuis 30 ans je ne suis pas arrivé à m’habituer au paysage sans sel des avenues de vignes sagement alignées dans la garrigue. Je déplore aussi les réflexes étroits de certains de ses habitants et notamment l’esprit de terroir par peur de l’autre ou de la nouveauté. J’aime ce pays, la France, qui est devenu mon destin par défaut.
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